Lotfi Derradji vient, avec ses coéquipiers de Manchester United, d'obtenir une qualification directe pour le dernier carré de l'eFootball Championship Pro 2023, dont la phase finale se disputera samedi 24 juin.
Il dresse un bilan "forcément positif" de la saison régulière qui vient de s'achever... Manchester United a décroché un billet direct pour les demi-finales de l’eFootball Championship Pro. C’était un objectif pour vous avant cette dernière journée, ou bien c’est la tournure prise par les matches précédant les vôtres qui vous a donné l’idée d’aller essayer de chercher cette deuxième place ? "Pour être honnête, nous n’avions pas du tout cela en tête avant cette dernière journée, nous ne pensions pas qu'Arsenal ferait un si mauvais résultat (trois défaites face à Milan). Nous avons pour objectif principal de préparer la phase à élimination directe depuis deux ou trois journées, c’est notre objectif principal de la saison alors nous en avons fait notre priorité avant même la fin de la saison régulière.
Nous avions donc, avant le match, pour objectif, d’abord de voir si nous étions proches d’être prêts pour cette prochaine échéance, de faire le meilleur résultat afin d’envoyer un signal fort à toute la ligue avant les phases à élimination directe puisqu’on affrontait un des favoris de la compétition. Puis, dans un second temps, d’essayer d’aller chercher la troisième place, qu’on pouvait obtenir en gagnant cette confrontation face au Bayern, mais sans en faire une obsession pour autant.
C’est avant notre match que nous avons compris que c’était possible d’aller chercher cette deuxième place, mais même comme ça, nous avons préféré prendre les choses étape par étape, match par match, d’abord aller chercher cette troisième place et remporter cette confrontation face au Bayern, c’est après notre deuxième victoire que l’on s’est dit 'pourquoi pas, c’est possible d’aller la chercher' !"
On vous a senti très solides, très sereins, presque imperturbables durant ces trois derniers matches face au Bayern, un peu à l’image de votre saison, efficaces sans trop faire de bruit. Quel est le secret de votre sang froid ? "C’est vrai que nous étions vraiment dans notre bulle et presque en mission, encore plus que d’habitude. Ça n'a pas toujours été le cas sur la saison pour être honnête, mais nous avons appris et évolué au fil de la saison, et avons trouvé une certaine stabilité depuis deux ou trois mois.
Je pense qu’il n’y a pas vraiment de secret, seulement être sûr de son jeu, de ce qu’on fait et de ce qu’on est capable de faire. Nous parlons aussi beaucoup entre nous, nous encourageons beaucoup ce qui nous aide à rester le plus sereins possible et à nous remettre dedans dans les temps faible ou dans les moments où le doute pourrait s’installer."
Kilzyou, Nekza et Lotfi posent fièrement devant leur classement de la première phase.
"Il n’y a jamais eu une telle quantité de très bons joueurs dans la ligue"
Quel bilan dresses-tu de cette saison régulière ? Des regrets ? Des satisfactions ? Des choses à travailler ?
"Un bilan forcément positif, finir deuxième avec le même nombre de points, dans une ligue aussi relevée, c’est juste superbe. Surtout que, comme je l’ai dit en interview dès la deuxième journée, il n’y a jamais eu une telle quantité de très bons joueurs dans la ligue, et le niveau est plus relevé que jamais.
Aucun regret. Il y a eu des erreurs, des mauvais choix, plein, mais c’est ce qui fait que l’on est à ce niveau aujourd’hui et qu’on a pu finir deuxièmes. Comme je l’ai dit à mes coéquipiers toute l’année, il vaut mieux faire les erreurs durant la saison et en tirer des leçons, quitte à perdre quelques points, plutôt que ça arrive dans les phases à élimination directe.
Oui, beaucoup de satisfactions forcément. On a su évoluer tout au long de l’année, monter en puissance, et la principale satisfaction pour moi est que la cohésion d’équipe à été bonne tout le long.
Nous avons tous travaillé pour la réussite du club avant tout, et ca nous a tous tiré vers le haut. Ça peut paraître logique mais ce n’est pas toujours le cas, pour ne pas dire rare, et dans beaucoup d’équipes tu peux trouver des joueurs qui pensent en partie, ou même beaucoup à leurs résultats personnels avant tout. Des choses à travailler oui, il y en à toujours, mais à ce sujet, je ne peux pas vous en dire plus..."
Barcelone et Arsenal au dessus du lot
Quel sont le joueur et l’équipe qui t’ont le plus impressionné lors de cette première phase ? Ceux qui vous ont posé le plus de problèmes ?
"Ettorito (FC Barcelone) a forcément impressionné beaucoup de monde, et réussit pour l’instant une grande saison. Et en termes d’équipes, les deux seules équipes à nous avoir battus sont le Barça et Arsenal, donc c’est forcément elles.
Mais ce sont des équipes que nous avons affronté il y a maintenant plusieurs mois. Arsenal a une équipe très 'méta' dans le jeu, c’est principalement ce qui nous a posé problème, ce n’est pas facile de défendre sur leurs joueurs. Et le Barça, nous les avions affrontés à la première journée, mais ils ont été impressionnant de part leur régularité tout au long de la ligue.
Nous avons énormément évolué depuis, alors je suis impatient qu’on puisse les rejouer et suis certain que nous avons maintenant les capacités pour les battre, même si ça sera dans tous les cas des confrontations difficiles peu importe l’adversaire." Le jeu a fait l’objet de plusieurs mises à jour en cours de saison. Cela n’a pas été trop perturbant ?
"Ce n’est jamais évident d’avoir affaire à une mise à jour en pleine saison, quand tu as travaillé des centaines voir des milliers d’heures sur un gameplay, ce n'est jamais évident de devoir s’adapter à de nouvelles mécaniques, mais c’est une chose à laquelle nous sommes habitués et avec laquelle nous avons de l’expérience, alors c’est notre boulot de nous adapter."
Kilzyou, Lotfi et Nekza (à gauche), lors de leur rencontre face au FC Barcelone.
Le retour au offline, ça a changé beaucoup de choses ? "C’est certain, on a tellement attendu ça et on a toujours dit que le vrai eSport se jouait offline. Il y a beaucoup trop de paramètres qui ne nous permettent pas d’avoir une compétition équilibrée lorsque c’est online... Chacun a une connexion différente, il est même arrivé que l’on doive jouer des joueurs d’autres continents et ça crée des conditions beaucoup trop compliquées qui ne permettent pas à chacun de pouvoir exprimer réellement son talent.
Et au delà des connexions, il y a des choses offline que l’on ne pourra jamais retrouver online qui sont des choses primordiales dans la compétition et font partie intégrante de l'aspect compétitif : voir son adversaire avant la rencontre, pouvoir sentir la pression, mettre la pression par ne serait-ce qu’un regard, avoir l’adversaire en face de toi lorsque tu mets un but, qui t’entend célébrer... Toutes ces choses qui peuvent jouer sur l’aspect mental du joueur.
Et tout les joueurs professionnels vont diront que l’aspect le plus important en compétition, avant même le niveau, est le mental. Et cet aspect mental est forcément minimisé online. Certains joueurs qui stressent beaucoup sur la scène habituellement vont être beaucoup plus à l’aise chez eux, étant dans leur zone de confort. Ce n’est pas le même stress d’être sur sa chaise en short ou sur la scène de l’eFootball Championship Pro à deux mètres de ton adversaire.
Et à contrario, certains, ceux qui ont beaucoup d’expérience par exemple, vont utiliser ce stress de manière positive et en être stimulés. Ils vont donc tirer avantage de cette situation pendant que l’adversaire, lui, sera mangé par le stress. Online tout cet aspect est différent et peu existant. Il y a du stress, c’est certain, car tu représentes ton club et joues une grosse compétition, mais je peux vous dire qu’il y a juste un monde par rapport à la pression qu’il peut y avoir offline pour toutes les raisons que j’ai énoncées... Et certainement d’autres."
"C'est un devoir de gagner ici"
Tu portes un maillot chargé d’histoire sur les épaules, est-ce que le fait de représenter l’un des plus grands clubs du monde met une pression particulière ?
"C’est sûr que ça donne encore plus envie de bien faire, c’est complètement différent de mes expériences passées. Tu sens que tu fais partie d’une institution, que c’est un devoir de gagner ici.
Encore plus lorsque nous sommes allés visiter Old Trafford. Quand tu vois, dans la salle des trophées, le nombre de titres remportés par le club, et l’importance que le club donne à chacun d'entre eux, peu importe l’époque et le prestige de la compétition, tu ressens encore plus que la gagne fait partie de l’ADN du club. Tu ne peux pas te contenter du minimum, ou d'avoir pour objectif de seulement faire une performance honorable.
Ça rajoute forcément une certaine pression car tu te dis que c’est inconcevable de pas être à la hauteur. Mais j’essaye de la transformer en pression positive car, à côté de ça, porter ce maillot te donne le sentiment que tout est possible. Rien que le fait de porter ce maillot met une pression à tes adversaires car le poids d’un tel club est ancré dans ton esprit quand tu es fan de football."
United est un club supporté par des dizaines de millions de gens à travers le monde, vous sentez un plus grand soutien que dans vos équipes précédentes ?
"Oui, on le sent au quotidien, ne serait-ce que par le nombre de messages de soutien que l’on reçoit sur nos réseaux sociaux par des fans des quatre coins du monde.
Tu peux recevoir un message d’un fan anglais et deux minutes après d’un fan thaïlandais, puis d’un fan brésilien. On a jamais connu ça auparavant. Avoir autant de gens qui te soutiennent et qui te suivent, suivent tes matchs, alors que tu vois que ce ne sont même pas des gens qui s'intéressent à la scène eFootball ou même à l’eSport en général à la base, c’est quelque chose de spécial."
Nekza, Lotfi et Kilzyou forment la seule équipe composée de trois anciens vainqueurs de la compétition.
La co-op dans un coin de la tête
D’ailleurs, peux-tu nous raconter comment cette équipe 100% française s’est formée à Manchester ?
"Pour être honnête, assez simplement et rapidement. Kilzyou et moi voulions encore signer dans un club ensemble cette saison, après que le Celtic nous a annoncé qu’il n'allait plus participer à l’eFootball Championship Pro en raison de leur nouveau partenariat avec un jeu concurrent.
Nous avons très rapidement eu des discussions avec Manchester. Conserver notre duo était un souhait mutuel et nous étions tous les deux complètement en phase avec le projet du club. Nous avons donc discuté ensemble assez rapidement, le club, Kilyan et moi concernant le troisième joueur.
Je savais, à ce moment-là, que Nekza était en discussion avec Monaco et qu’ils souhaitaient le prolonger, mais qu’il était ouvert à d’autres opportunités si elles se présentaient et que ça lui plairait de jouer avec nous. Il m’avait déjà dit précédemment qu’il aimerait bien que l’on joue ensemble cette saison, car nous avions déjà une très bonne relation. Et je savais aussi qu’il ne se sentait pas au mieux à Monaco.
Nous pensions aussi que, pour la co-op, nous pourrions faire une très bonne équipe ensemble. C'était quelque chose de très important pour nous car nous sommes convaincus que la compétition sera amenée à revenir en co-op un jour. Et voulions construire directement quelque chose sur le long terme tous ensemble.
Son profil intéressait beaucoup le club aussi, à tous les niveaux. Tout le monde était donc pour ce choix et les contacts se sont fait directement. Le club a donc discuté avec lui et, très rapidement, Nekza, qui avait un choix à faire, a donné sa priorité à Manchester. L’équipe s’est donc finalisée ainsi." Vous êtes le seul roster composé de trois anciens vainqueurs de l’eFootball Championship Pro, dont le MVP en titre, ça fait de vous de naturels favoris, ce n’est pas trop lourd à porter comme étiquette ?
"Pas vraiment. Personnellement j’ai été habitué depuis toujours à être parmi les favoris. A Monaco, dès la première saison, nous étions favoris avec Usmakabyle. De même que durant l’eEuro avec l'Équipe de France. Puis pareillement lorsque Kilzyou nous avait rejoint, voir encore plus... Nous faisions aussi partie des favoris la saison dernière avec le Celtic. Alors j’y suis habitué et c’est quelque chose de normal pour moi, pareil pour Kilzyou qui connaît ça depuis maintenant plus de trois ans.
C’est nouveau pour Nekza. Je pense que c’était un peu dur à gérer pour lui au début, car il est passé, en l’espace d’une compétition de trois semaines, d'outsider à MVP. De ce fait, son statut à totalement changé très rapidement mais il a plutôt bien appris à le gérer au cours de la saison.
Nous essayons aussi de lui apporter notre expérience à ce niveau là afin qu’il le gère au mieux. Il est très à l’écoute et apprend vite, donc je pense qu’aujourd’hui c’est une chose beaucoup plus intégrée dans son esprit qu’au début de saison."
Tu évolues depuis plusieurs saisons maintenant aux côtés de Kilzyou, ça joue également sur les performances d’avoir cette forme de stabilité ?
"Évidemment, de mon point de vue c’est primordial d’être entouré de gens de confiance. Je préfère perdre avec un 'frère' que de gagner avec une personne que je n’aime pas ou dont je ne sens aucune fidélité envers moi. Et dans ce milieu où il y a beaucoup d’intérêts en jeu, c’est quelque chose qui se fait assez rare et n’est pas simple à trouver.
On se connait depuis maintenant presque neuf ans. Nous avons vécu énormément de choses ensemble, avons aussi pris des décisions fortes durant nos carrières ensemble, donc forcément c’est un plus de l’avoir à mes côtés et ça nous aide dans nos performances.
Je dis toujours qu’en compétition le plus dur - et là où l’on voit si une équipe est réellement une équipe - c’est dans les moments durs, les moments où ça ne va pas. Et c’est forcément un plus d’avoir une personne à qui tu fais entièrement confiance et que tu connais bien à tes côtés dans ces moments là."
Kilzyou, Nekza et Lotfi dans l'avion pour Barcelone avant la première journée de l'eFootball Championship Pro 2023.
Si tu devais retenir une qualité principale pour chacun de tes coéquipiers, ce serait laquelle ?
"Ce genre de question est toujours difficile car pour être au top niveau, tu as forcément plusieurs qualités majeurs et il y a différents types de qualités. Le mental, la technique, la manière de travailler...
Mais si nous parlons du jeu, je dirais, pour Kilzyou, sa capacité à être tranchant et à tuer sur la moindre faille que l’adversaire peut présenter en défense.
Et pour Nekza sa rapidité d’exécution et d’action en attaque. Quand il est dans son match, il peut enchaîner plusieurs passes et se retrouver devant ton but alors que tu n’as même pas encore eu le temps d’en anticiper une seule."
Un manager discret
On le connaît peu en France, mais on imagine que son travail a une grande importance dans vos performances, peux-tu nous parler de votre coach ? "C’est un manager plutôt qu’un coach, le terme serait en tout cas plus approprié. Il est davantage là pour les aspects autour du jeu, pour nous mettre dans les meilleures conditions possibles, pour le mental et tout ce qui entoure le jeu en fait, afin que l’on n'aie pas à se soucier du reste, que l’on se sente bien et que l’on puisse se focaliser entièrement sur le jeu.
Il nous fait confiance concernant le jeu, jugeant qu’il y a personne de mieux que nous-mêmes pour nous conseiller là dessus. Et c’est quelque chose que j’apprécie beaucoup car, dans certains clubs, certains coachs ont tendance à essayer de te parler de jeu comme pour justifier leur rôle ou se donner plus d’importance dans la performance. Alors qu’ils n’y connaissent pas grand chose, et qu’à très haut niveau, seule un joueur de très haut niveau peut te conseiller sur l’aspect technique et mécanique du jeu.
Une personne ayant un niveau moyen ou même relativement bon ne pourra jamais savoir mieux que toi d’un point de vue technique et mécanique ce que tu peux faire de mieux.
Pour revenir à notre manager, il est effectivement très très important dans nos performances et nous n'aurions jamais fait une ligue régulière aussi réussie et aboutie sans lui. Par exemple, après la défaite face à Arsenal, il nous a beaucoup aidé, beaucoup soutenu et nous a donné de précieux conseils qui nous ont permis, par la suite, de nous sentir mieux mentalement et de faire de super résultats.
Il a une importance capitale dans notre mental, notre moral au quotidien. Il nous fait ressentir que l’on est tous ensemble et tous impliqués dans la compétition à cent pour cent et que le club est entièrement derrière nous, même dans les moments où nous avons eu de mauvais résultats. Et c’est quelques chose de très important pour nous et que je tiens à souligner.
Je n’ai jamais connu, auparavant, un tel soutien et une telle marque de confiance dans les moments où ça n'allait pas. Et pourtant, je n’avais jamais connu une situation où nous avions fait zéro point sur une journée. Tout cela nous a permis de nous dépasser et c’est en grande partie ce qui a fait notre réussite durant la saison."
Pour conclure, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette fin de saison et pour la suite ?
"Tu dois forcément la voir venir (rires)... Mais forcément simplement de faire champion. C’est notre seul objectif depuis le début de la saison, ce qui nous obsède au quotidien depuis neuf mois, aller chercher ce titre et le ramener à ce club qui le mérite tellement. Et sinon pour la suite, la santé d’abord, c’est le plus important, et avoir la chance de faire partie de cet incroyable club le plus longtemps possible! "
Son parcours en bref :
Lotfi Derradji a 24 ans et est originaire de la Région parisienne, où il a toujours vécu.
Il est joueur professionnel de PES puis d'eFootball depuis la saison 2018-2019, mais il participe à des compétitions de niveau européen et mondial depuis 2016.
Lotfi a évolué trois saisons sous les couleurs de l'AS Monaco eSports, avant de rejoindre le Celtic FC en 2022 et enfin Manchester United en 2023.
Il a remporté deux fois l'eFootball Championship Pro avec l'AS Monaco et a terminé à la troisième place avec le Celtic la saison dernière. A titre individuel, il a été sacré meilleur buteur de la compétition en 2019 et meilleur passeur en 2021.
Crédits photos : Twitter / Lotfi Derradji / Manchester United FC
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